Les coqs du village global

En France, la réussite d'un universitaire à l'étranger fait encore tache

La non-élection à un poste d'enseignant dans une université de province, il y a quelques mois, d'un non-francophone, fut malheureusement une non-nouvelle. Décidément n'avons-nous rien appris pour étouffer encore dans notre insularité? Faut-il rappeler comment la science américaine fut renforcée par l'apport de tous les scientifiques juifs européens fuyant le nazisme? Faut-il rappeler la chaire au Collège de France refusée à Einstein? Les noms de Roger Guillemin et Benoît Mandelbrot sont hélas associés à des épisodes similaires. Une communauté s'appauvrit en excluant le talent, lorsqu'elle le ressent comme étranger. Or justement la science de création se nourrit, se féconde par tout ce qu'elle absorbe d'étrange et de non-conformiste. Ici le parallèle avec le monde de l'art s'applique: qu'aurait été l'École de Paris entre les deux guerres sans le catalan Picasso, le russe Chagall, le lithuanien Soutine, le roumain Brâncusi, l'italien Modigliani, le japonais Foujita?

Nous avons un superbe contre-exemple à notre esprit de clocher sous les yeux, avec une autre école...à Zurich! L'un des maillures départements de chimie en Europe, sinon le meilleur, est celui de l'École polytechnique fédérale (ETH). Depuis des lustres, il s'efforce non pas de recruter sélectivement des Helvètes, mais de choisir les meilleurs. On y trouve à présent, entre autres, un allemand Dieter Seebach, un américain Steve Benner, un luxembourgeois François Diederich.

Chez nous, la réussite à l'étranger de l'un de nos universitaires reste encore une tache d'infamie... L'un des jeunes chimistes français les plus prometteursaprès avoir conquis aux États-Unis son autonomiea trouvé accueil et poursuit une carrière brillante dans une université allemande!

Vous avez dit mondialisation? Nous vivons toujours à l'heure de notre clocher.

Pierre Laszlo

Tous droits réservés à La Recherche, 1997.


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