Et pourquoi pas les nanoconducteurs

"N'écrivez pas si petit", nous disait le maître. A présent, c'est tout le contraire. Écrire le plus petit possible peut rapporter beaucoup d'argent. Je fais allusion aux circuits imprimés, et à la microlithographie, leur technique d'impression.

Quel est l'état de la technique? La photolithographie descend actuellement à des largeurs de trait de l'ordre du micromètre. Il est possible de faire aussi bien, comme George Whitesides (Harvard) l'a montré, en imprimant le motif d'un timbre en silicone sur la surface d'une couche monomoléculaire d'un alcanethiol déposé sur une feuille d'or. Après compression latérale, on atteint des épaisseurs de trait descendant jusqu'à 0,2 micromètre.

Il paraît aisé de faire mieux, au moins pour des motifs très simples comme des striations. Ne peut-on en effetet ici je réclame ma part des redevances du brevet!user de nanotubes de carbone? Il s'agit, rappelons-le, de feuillets graphiques enroulés en cylindres coaxiaux, obturés aux deux extrémités pour éviter des liaisons chimiques pendantes. Ces nanotubes, de manière analogue à la formation des autres fullerènes, sont produits par un arc électrique entre des électrodes de carbone; on les recueille sous forme de fines aiguilles à la surface de la cathode. Depuis leur invention, il y a déjà cinq anspresque l'éternité pour une jeune science des matériaux on a appris à les orienter de différentes manières, par exemple dans des films minces de polymère. Le Dr. Pulickel M. Ajayan, au laboratoire de physique des solides d'Orsay, a obtenu de beaux résultats de ce genre. On a appris aussi à ouvrir les bouts par oxydation (encore Ajayan) et à remplir la lumière du tube d'atomes étrangers (toujours Ajayan) dont on pourra désormais choisir la nature, soit pour leur donner une opacité vis-à-vis de tel ou tel rayonnement, soit pour faire de ces nanotubes des conducteurs unidimensionnels d'électricité. On parvient aussi à faire des nanotubes à l'enveloppe d'épaisseur monoatomique, constituée d'un seul feuillet de graphite.

D'ores et déjà, le nanomètre est atteint, pour le diamètre de l'un de ces petits tuyaux de carbone, comme pour l'espacement entre deux nanotubes consécutifs, une fois orientés. Cela permet donc d'écrire mille fois plus petit qu'en photolithographie, ou qu'en impression de microcontact à la Whitesides.

Oh! que la chimie est belle, même lorsque ce sont des physiciens qui la pratiquent et nous dament le pion!

Pierre Laszlo

Tous droits réservés à La Recherche, 1996.


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